Se lever de bon matin, à Calais, ne me paraît pas si pénible.
D’habitude il y a toujours un membre de l’équipe qui grogne et qui est de
mauvaise humeur. Ici non. On se sent utile je pense. On sait qu’on change, ne
serait-ce qu’un tout petit peu, la face du monde rude d’aujourd’hui. Nous
étions et nous sommes cinq compagnons. Des scouts fiers et hardis. Des amis de
longues dates avec des envies multiples. Et nous nous sommes retrouvés à
Calais, au milieu des migrants, justement grâce à ses envies là.
Nous avons vu des choses qui dépassaient, je pense, l’entendement.
Je m’étais renseignée avant de venir, et je pense que nous l’avons tous fait.
Les médias font circuler des images chocs pour complaire le public, mais ce que
nous avons découvert là-bas, c’est tout simplement la définition même du mot Humanité.
Nous avons rencontré des personnes aux parcours différents, aux vies
tourmentées, mais qui arboraient le plus simple et le plus beau cadeau visuel,
un sourire. Des sourires par-ci, des « Salam » par là. Des hommes en
majorité, venues de pays en difficultés
politique, des femmes aussi et des enfants.
Je peindrais une journée type par le commencement, l’accueil
des personnes de Caritas France Urgence. Une équipe formidable qui nous a accompagnés
tout au long de notre semaine à Calais parmi les migrants. Sans eux, je pense
que nous ne serions pas allés bien loin. Notre rôle à nous c’était de faire en
quelque sorte un état des lieux. Je m’explique, il nous fallait constater sur
le terrain (dans la jungle) qui n’avait pas d’abris. Il fallait être
méthodique. Nous avons préparé des « kits cabane », c’est-à-dire que
nous procurions aux migrants sans toits, des planches, des taules, de la bâche
et des clous. Rien que ces matériaux rendaient la foule hystérique. En faisant
ce job, nous avons pu constater par nous-même la détresse de ces personnes, les
conditions misérables dans lesquelles ils vivent. Mais nous avons aussi rencontré
des personnes formidables. Des gens chaleureux, amicaux et bienveillants. J’ai même
pu parfaire mon arabe ! Nous avons appris quelques mots voire quelques
phrases en arabe ! Ces échanges linguistiques montraient aux migrants que
nous nous intéressions à eux en tant qu’êtres humains et non pas en tant qu’étrangers
à bannir du sol français.
La journée se poursuivait par le déjeuner au centre d’accueil
du Secours Catholique dans le centre de Calais. Un endroit reposant et
chaleureux, où les bénévoles nous attendaient pour manger. Nous avons ici aussi
rencontré des personnes extraordinaires ! Grâce à Mariam par exemple, l’équipe
a pu assister et être actrice de la rupture du ramadan. Un moment fort, plein d’émotions
et de partage ! Je crois que sans cette soirée, la semaine n’aurait pas
été complète.
L’après-midi était en général dédiée à la fabrication de
kits cabane. Un moment peu plaisant, mais toujours agréable grâce à la bonne
humeur et l’envie d’aider de chacun. Sinon nous tournions dans la jungle, pour
livrer les kits. Des moments, encore, joyeux ! Le soir, nous étions
vraiment épuisés. Mais on trouve toujours une occasion de faire la fête à
Calais. Un anniversaire, un apéro, un pot de départ, … Pas un soir de calme. Je
pense que les bénévoles sont une famille protectrice. Ils se connaissent tous,
s’entraident, se protègent et partage des moments magiques ensemble. Et nous
avons de la chance d’avoir été adopté par cette grande famille pendant une semaine.
Si on me demandait d’écrire, je ne sais pas, un article par
exemple. Je commencerai par « Se lever de bon matin, à Calais, ne me
paraît pas si pénible… ». Si on me demandait de décrire mon voyage en 5
mots je répondrais par ; Sourire, Réalité, Humanité, Partage, Aide. J’ai
personnellement mûri à Calais et je sais que toute mon équipe compagnon aussi.
Car nous avons vu ce qu’était la misère, et nous avons franchit les barrières
conventionnelles que nous impose la société. Nous avons tendu nos mains aux migrants
dans le besoin. Et je pense que dans la situation d’aujourd’hui, il est
important de se mobiliser pour eux. L’Homme est l’animal politique, si je puis
dire, le plus sociable et humain sur Terre. Alors autant commencer maintenant à
le devenir.